Il peut paraître absolument provocateur de poser une telle question et surtout extrêmement présomptueux de vouloir y apporter des réponses, de suggérer des pistes, de penser pouvoir apporter une contribution personnelle à cette réflexion aussi vieille que les maladies elles-mêmes, c’est-à-dire l’âge de l’homme. Mais étant donné l’importance du sujet, il serait absurde de s’y soustraire. Toutes les propositions faites ici seront, par leur nature, même sujettes à des propositions contraires et exposées à toutes critiques invitées à enrichir le débat. Une fois ces précautions prises, apportons donc de l’eau au moulin.
Si l’homme vivait dans une bulle stérile, sans contact aucun avec le monde extérieur, ce qui est impossible, mais ce que l’on peut supposer, tomberait-il malade ?
L’homme est soumis à un environnement physique et matériel, psychique, énergétique, de communication constante avec le monde qui l’entoure, communication qu’il doit gérer à chaque instant. Une fois les paramètres vitaux de sa survie tenus pour acquis (et Dieu sait si la marge est mince….), il lui reste à se maintenir en équilibre sur ce minuscule et pourtant infini territoire où sa vie se tient. Pensez juste une seconde à la température de votre corps : la vie n’est possible qu’entre 35° et 42°, ici 6 degrés font toute la différence. Une modification que vous ressentez juste un peu quand il s’agit de l’air ambiant. La composition de l’air que vous respirez est bien précise, en dehors de ces normes vous allez mourir ; il vous faut respirer plusieurs fois par minute, une apnée de quelques minutes vous serait fatale ; une grosse coupure, votre sang s’écoule, en quelques minutes vous n’en avez plus assez pour alimenter votre pompe cardiaque. On pourrait donner des dizaines d’exemples de ce type pour aider à réaliser que notre vie est cantonnée dans des limites extrêmement strictes que notre mental a tôt fait d’oublier.
En dedans de ces limites qui permettent la vie et qui sont impérativement restrictives, il nous reste une marge destinée à entretenir notre contact avec le monde environnant, celui-là même qui nous sollicite de façon permanente et nous demande de constantes et parfois épuisantes adaptations. Quand c’est trop, la maladie vient à notre secours, elle nous interpelle, nous oblige à nous arrêter, à nous reposer, à laisser à notre corps la possibilité de reprendre des forces. Où commence-t-elle ? Où s’arrête-t-elle ? A nous d’écouter les signes qui, s’ils ne sont pas entendus, risquent de revenir en force (la maladie chronique, la récidive). Notre corps, le plus souvent à l’insu de nous-mêmes, travaille sans relâche pour apporter des réponses adéquates à ces stimuli qui nous interrogent en permanence : ce que nous mangeons, ce que nous respirons, ce que nous touchons, ce que nous entendons, ce que nous sentons, ce que nous ressentons, ce que nous imaginons, ce que nous voyons. Et le corps, tel un ordinateur parfait, analyse toutes les données en un clin d’oeil et en permanence pour répondre le mieux possible. Hormones, vitamines, bactéries, globules blancs, pour n’en citer que quelques-uns, sont prêts à être mobilisés en une fraction de seconde pour nous défendre, par exemple contre une attaque virale ou un choc psychologique. Nos globules blancs se mobilisent contre une infection ou un virus (il y a différents corps d’armées spécialisés selon tel ou tel type d’attaque) ; le cortisol, une hormone, est notre sentinelle du stress : quand le stress nous frappe, son taux augmente et entraîne dans sa montée toute une série de réactions en chaîne (notre sang afflue aux organes vitaux en quittant les régions périphériques, nos bronches se dilatent, nos fonctions digestives et urinaires s’interrompent etc., pour permettre aux fonctions de défense de s’activer). Toute faiblesse dans nos défenses prend le nom de maladie.
Raïssa Blankoff