Selon le Professeur Olivier Coudron, directeur et responsable des formations diplôme universitaire « Alimentation santé et micro nutrition » de la Faculté de Médecine Pharmacie de Dijon. Cofondateur et responsable de l’Institut SIIN (institut scientifique pour une nutrition raisonnée www.siin-in.be). Présenté aux Rencontres des médecines alternatives et complémentaires, Hôpital Tenon, octobre 2013.

La neuro-nutrition, au carrefour des neurosciences, de la nutrition et de la psychologie moderne, offre des outils conceptuels, diagnostiques et thérapeutiques  pour une prise en charge scientifiquement validée un grand nombre de souffrances d’ordre neuropsychiatriques. La Neuro-Nutrition vise une optimisation des fonctions cérébrales et des fonctions psychiques en assurant la satisfaction des besoins essentiels du cerveau. Elle intervient en prévention, en thérapeutique mais également en synergie d’autres traitements. 

Les troubles anxio-dépressifs sont caractérisés par une grande disparité de situations cliniques, de support physiopathologiques, de terrains spécifiques, et d’histoires personnelles à  considérer. Une meilleure prise en charge nécessite une prise en charge personnalisée et qui repose sur trois étapes

  • Etape de diagnostic, d’évaluation et de score grâce à des échelles validées (échelle d’anxiété HAD d’Hamilton, échelle de la dépression BDI), à un repérage clinique des dysfonctions des neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline, sérotonine, mélatonine, GABA), à des bilans biologiques (profil des acides gras, dosage de micronutriments, fer, vitamine D…)
  • Etape de rééquilibrage des dysfonctions, déficits et carences éventuelles : conseils nutritionnels, prescription de compléments alimentaires, phytothérapie, acupuncture, conseils d’hygiène de vie, cohérence cardiaque, remise en mouvement, luminothérapie, chrono-thérapeutique, orientation psychothérapeutique…)
  • Etape de rééducation et de prévention à long terme : invitation à mettre en place une nouvelle attitude et un nouveau style de vie, à son rythme, en fonction de ses attentes, de sa personnalité, de ses désirs. Cette étape peut, le cas échéant, se pratiquer en petits groupes de 4 à 10 personnes, elle reviendra sur les principes alimentaires pour la santé, la psychologie, avec des pratiques de yoga, de méditation, de sensibilisation à la médecine environnementale. Il s’agit plus d’une éducation thérapeutique visant à la prévention des rechutes. La méditation de Pleine Conscience (Mindfullness/Jon Kabat-Zin) est bien validée dans la prévention des rechutes dépressives.

Les nourritures essentielles d’un cerveau en pleine santé sont matérielles (alimentation), mais également, et toutes aussi importantes, neuropsychiques, affectives, psychologiques et relationnelles… 

  • Besoins matériels
  • Besoins nutritionnels et alimentaires :
  1. Une assiette-santé optimale pour le cerveau : plusieurs publications montrent que l’adoption d’un modèle méditerranéen/crétois est protecteur vis-à-vis des troubles anxio-dépressifs dans un rapport de 30 à 40% de moins par rapport au modèle de l’alimentation moderne et occidentale. 
  • Votre ordonnance : 
  • Une alimentation très richement végétale et variée. 
  • Une consommation régulière de légumineuses
  • Une assiette oméga 3 (EPA/DHA) de poissons gras, avec un rapport oméga 6/3 compris entre 3 et 4
  • Le plein en antioxydants 
  • Une réduction des substances neurotoxiques : acides gras trans industriels et sucres rapides (index glycémique élevé)

Les régimes alimentaires, comme le régime hyperprotéiné ou hypoglucidique vont modifier le métabolisme des neurotransmetteurs, dont la sérotonine cérébrale, ce qui va avoir des effets sur notre psychisme. Certains aliments sont favorables pour le cerveau, comme l’eau qui bue en suffisance peut aider à la réduction des troubles dépressifs. Certains aliments fonctionnels peuvent soutenir les neurotransmetteurs comme les prébiotiques, qui agissent sur la fonction sérotoninergique. 

  1. Un statut micronutritionnel optimal pour des neurones et le cerveau : il s’agira du statut en vitamines, minéraux,  oligoéléments,  polyphénols, acides gras essentiels,  fibres. Les déficits, voire des carences, en certains micronutriments sont courants. Ils sont encore plus fréquents chez les patients vulnérables et qui peuvent du fait de leur anxio-dépression mal s’alimenter. Une attention particulière sera portée notamment au magnésium, au fer, au zinc et au sélénium. Sur le plan des vitamines : la vitamine D, les vitamines du groupe B (le plus souvent folates et B12), mais également la vitamine K1. Sur la plan des acides gras essentiels, la complémentation en oméga 3, en particulier le DHA.
  • Votre ordonnance : un bilan biologique initial pour la vitamine D, le sélénium, le fer. Les compléments alimentaires seront adaptés aux déficits du patient.
  1. Une chronobiologie nutritionnelle adaptée : le respect des rythmes biologiques circadiens permet une optimisation fonctionnelle des neurotransmetteurs. Les recherches de Richard Wurtman montrent que l’alimentation intervient dans la production de certains neurotransmetteurs. Ainsi le ratio protéines/glucides du repas est un outil efficace pour orienter la production cérébrale vers la dopamine ou la sérotonine.
  • Votre ordonnance 

La mise en place d’un petit déjeuner riche en protéines et glucides complexes, pauvres en sucreries et graisses trans (croissant par exemple), associé à un goûter et/ou un repas du soir ayant un rapport protéines/glucides bas, riches en légumineuses et légumes permettront l’optimisation chronobiologique de ces neurotransmetteurs.

  • Besoins immatériels

Besoins corporels : 

  1. Un temps de sommeil suffisant : en général, 8H.  Ce temps de sommeil a des implications directes sur la tension artérielles, le diabète, l’obésité, les humeurs et les fonctions psychiques
  2. Un respect des rythmes biologiques : il s’agira de connaître son chronotype
  3. Un équilibre dans l’alternance activité/repos

Besoins sensoriels et émotionnels :

  1. Des sensations stimulantes et nourricières : ou comment nourrir notre cerveau grâce à nos cinq sens : la lumière du matin ; les musiques et sons qui sont ressourçants (Bach, Mozart, chant des oiseaux, bruit du vent, des vagues…)
  2. Des sensations agréables et du plaisir tous les jours : en mangeant, en se reposant, en étudiant, en lisant…. 
  3. Des émotions positives contre la rumination par exemple

Besoins psychiques :

  1. Des pensées fonctionnelles et positives : à nourrir et à cultiver
  2. Des états de conscience élargie : s’arrêter de faire, méditer, s’accorder des minutes de silence
  3. Un tissu relationnel ouvert et riche : les relations à soi, aux autres, à la nature, à l’univers : il est important de se sentir relié : on est tout seul, mais pas que tout seul.

Autres facteurs à évaluer car ils sont susceptibles d’intervenir dans l’anxio-dépression

  • Les prédispositions génétiques : par exemple, dans certaines familles à risque, la fonction sérotoninergique peut être affaiblie. Cependant, respecter ses propres besoins permet de compenser ce déséquilibre.
  • Le mode de vie
  • Les choix alimentaires
  • Les rythmes de vie : un paramètre parfois difficile à réguler. 
  • L’environnement : par exemple, une rue trop animée, un voisin bruyant…
  • L’état d’esprit
  • Un déséquilibre alimentaire 
  • déséquilibre glucidique : excès de glucides simples ou rapides ou insuffisance de glucides complets et/ou lents
  • déséquilibre lipides qui a un impact sur composition membranaire mais aussi sur les fonctions. L’insuffisance d’acides gras essentiels (non synthétisés par le corps mais obligatoirement apportés par l’alimentation), notamment les oméga 3 anti inflammatoires (surtout DHA et EPA) 
  • Troubles dopaminergiques : par exemple, un petit déjeuner sucré qui débouche sur déficit en dopamine
  • Une perturbation du 2ème cerveau,  l’écosystème intestinal. Il s’agira de vérifier la présence ou non de pathogènes (parasitoses) ou de dysbiose ou flore de pullulation qui déclenche de l’hyperperméabilité intestinale laissant passer dans l’organisme des antigènes alimentaires ou microbiens, comme les LSP circulants (lipopolyssacharides qu’il est possible de doser dans le sang), susceptibles de déclencher des intolérances alimentaires (gluten, lactose…). Les bactéries gram – favorisent également l’hyperperméabilité intestinale et donc la malabsorption avec son cortège d’effets sur le métabolisme et notamment sur les neurotransmetteurs. Un intestin perturbé est générateur de troubles psychiques.
  • Les déficits micro nutritionnels
  • Magnésium
  • Fer
  • Vitamine D
  • Folates
  • Les toxiques nutritionnels environnementaux : le glutamate (exhausteur de goût) qui est neuroexcitateur, l’aspartame associé à la fibromyalgie et l’hyperactivité, les colorants qui peuvent causer des Troubles du Déficit de l’Attention avec hyperactivité (TDAH), les toxiques endogènes
  • Les troubles métaboliques : l’inflammation de bas grade, révélée par une CRP ultrasensible augmentée (CRP (us)), et qui conduit à une baisse des neurotransmetteurs. Par ailleurs, on a établi la parenté entre les maladies cardio métaboliques et la dépression, surtout dans les dépressions chroniques ou résistantes
  • Le déséquilibre ionique ou déséquilibre de la charge acido-sodique : l’acidose métabolique latente est génératrice d’anxiété. Il faut rechercher un équilibre entre le sodium et le potassium. On trouve souvent trop de sodium, de chlore  et pas assez de potassium, responsable de trouble de la dépolarisation membranaire
  • L’insulino-résistance et l’hyperinsulinisme ; la résistance à l’insuline préclinique a un impact sur le métabolisme de la dopamine
  • Troubles de la vascularisation : l’hypoperfusion cérébrale et les spasmes micro circulatoires
  • Des troubles de la synthèse des neurotransmetteurs par insuffisance de synthèse en cas de carence de nutriments ou des cofacteurs. En cas d’inflammation, il y a dérivation des nutriments pour juguler l’inflammation et ils ne seront plus disponibles pour les neuro transmetteurs. Il peut y avoir fabrication de neurotoxiques, comme la kinurénine, qui prennent la place des neurotransmetteurs.
  • Le manque de sommeil ou de lumière qui donne lieu à une désynchronisation. Par exemple, l’horloge biologique est perturbée, même par les écrans.
  • Les troubles sensoriels et/ou psychologiques 
  • La variabilité cardiaque : on pourra le cas échéant, effectuer une mesure de ce paramètre, le HRV (heart rate variability)
  • Les bilans biologiques complémentaires : la ferritine, la TSH, la T4, le statut en acides gras, les neurotransmetteurs urinaires, le cortisol salivaire, les LPS
  • LA NUTRITION ANXIOLYTIQUE
  • Le citrate de magnésium : 4 fois 100mg de magnésium élément par jour  (= 400mg par jour) qui permet d’éviter la fuite urinaire de magnésium + l’eau d’Hépar en boisson
  • Des minéraux tels que calcium, magnésium, potassium et des alcalinisants (bicarbonates et citrates) qui permettent la correction de l’acidose latente qui perturbe le métabolisme du GABA, en activant ses récepteurs
  • Des oligo-éléments de lithium en granions (pas en oligosol) : qui  favorisent l’ouverture des canaux GABA
  • Des oméga 3 qui augmentent la fluidité membranaire et ainsi permettent aux canaux d’être plus efficaces 
  • L’alpha casozépine ou peptide SR alpha, issu du lait
  • LA NUTRITION DES TROUBLES ANXIEUX GENERALISES (TAG) 
  • Du magnésium ou alpha casozépine  ou peptide alpha
  • Des précurseur de la sérotonine : le tryptophane : il y en a un peu dans toutes les protéines, mais il n’y pas d’aliments spécifiques source de tryptophane. 400mg par jour, même jusqu’à 800 à 1000 mg l’après- midi – 16H, 17H, 20H 
  • L’alphalactalbumine (protéine du petit lait) : elle augmente dans les 2H le taux de sérotonine dans l’hypothalamus. (Par contre avec le petit lait on ne trouve pas d’effet car il contient des antagonistes)
  • Le lithium en granions (pas en oligosol) : il a une action sur biosynthèse de la sérotonine, 1 à 2 mg/jour
  • Chronobiologie nutritionnelle : des protéines le matin et le midi, et une après-midi et soirée uniquement végétarienne
  • LA NUTRITION DE LA DEPRESSION DOPAMINERGIQUE
  • Un petit déjeuner protéiné : 2 oeufs, jambon, pain complet (sans sucres rapides). Si la dépression est accompagné d’un syndrome métabolique : pas de glucides le matin
  • Des précurseurs de la dopamine : L tyrosine 1g par prise (ne pas donner 2 gr en une fois)  15min avant petit déjeuner et 1gr dans la matinée, si la première prise est insuffisante  ou s’il y a une prise de Deroxat qui fait chuter la dopamine.
  • Attention : une vitamine B6 augmentée est antagoniste de la dopamine. Il faut savoir que l’excès de vitamine B6 au-delà de 10mg entraîne une baisse de la dopamine.
  • De la L dopa, mais à éviter si possible
  • En cas de stress, complémenter en magnésium 
  • En cas d’hyperinsulinisme, complémenter en chrome (test de Homa et Quicky)
  • En cas d’inflammation de bas grade (déterminée par la CRP(us) : oméga 3 et polyphénols des plantes et antioxydants permettent de moduler le génome.
  • En cas de résistance aux anti-dépresseurs (absence de réponse thérapeutique) : 400 microgramme à 800 microgramme de B9. Sa disponibilité est prédictive de la réponse aux IRS (inhibiteur de recapture de la sérotonine). On la trouve en bonne quantité dans la levure de bière et le foie gras. Une B6 suffisante permet de lever la résistance aux anti-dépresseurs. Il faut également prévoir une supplémentation en oméga 3 (EPA Et DHA)

Bibliographie : 

Professeur Olivier Coudron, Manger,  Eyrolles 10 euros ; Mangez, votre santé va changer ! La nutrition raisonnée en 7 couleurs, en 4 saisons et en 70 recettes, avec Geneviève Moreau (2011) ; Les rythmes du corps. Chronobiologie et santé Nil éditions (1997)

A paraître fin 2013 : Guide des ordonnances de santé (éditeur de santé)

Raïssa Blankoff

https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=neuro-nutrition-anxiete-depression