Les effets de la couverture oestro-progestative sur la physiologie et la psychologie de la femme. 

Le cycle de la femme peut très facilement se comparer aux saisons de l’année.  Après l’hiver des règles, où bien souvent les femmes préfèrent rester au nid douillet, le printemps pointe son nez grâce aux hormones du désir, les oestrogènes. Jour après jour, ils augmentent, et avec eux, tous les désirs. Les oestrogènes sont stimulés par leur chef d’orchestre, l’hormone FSH située dans le cerveau (dans l’hypophyse et l’hypothalamus), jusqu’à atteindre un taux suffisant qui déclenchera l’hormone LH, maîtresse de l’ovulation qui surviendra rapidement après son pic. Voilà l’été, très court, quelques heures à peine, mais tellement vif, chaque mois, pour donner sa chance à la vie.  La progestérone arrive alors en courant pour préparer le corps à une éventuelle gestation : elle organise la chambre du bébé – l’utérus – au cas où l’ovule serait fécondé. C’est l’automne, dans cette phase du cycle, les femmes ont besoin de leur temps, de leur maison, de leur sécurité. Si la fécondation n’a pas eu lieu, la chambre est nettoyée pour la prochaine fois, tout est remis à neuf, les règles arrivent pour un nouvel hiver de quelques jours, puis le printemps… 

Que se passe-t-il sous pilule ?

La pilule, qu’elle soit maxi, mini, implant, anneau, paralyse purement et simplement le cycle. Le cycle naturel n’existe plus. Plus de saisons, plus d’humeurs fluctuantes, plus de désir incompressible, juste un monotone automne, qui inhibe les pouvoirs de séduction et leurs messages physiologiques. Comment ? La pilule fournit au corps des oestrogènes, mais surtout de la progestérone de synthèse, très efficaces même à petites doses, dont la structure chimique est proche des hormones endogènes (fabriquées par le corps). Transportées par le sang, ces hormones, progestérone et oestrogènes de soutien en petite quantité,  indiquent à la FSH (le chef d’orchestre) que l’ovulation est passée, et que ce n’est plus la peine de se préparer au printemps, plus la peine de préparer une ovulation. La progestérone artificielle étant présente tout le temps, la FSH s’endort comme la Belle au bois dormant, les ovaires hibernent, les follicules ne sont plus stimulés, il n’y a plus d’ovulation. Toutes les pilules fonctionnent sur ce principe-là. En réalité, les oestrogènes de synthèse ne jouent pas un grand rôle, mais leur apport permet aux femmes de ne pas ressentir très fortement le manque d’oestrogènes, comme à la ménopause. C’est la progestérone qui maintient le corps dans un état de 2ème phase, comme si l’ovulation était passée, et pour longtemps. Les pilules dites multiphasées (contrairement aux monophasées) imitent le cycle par une concentration en oestrogènes plus importante en milieu de cycle, mais il n’y a pas plus de cycle pour cela. Tout est leurre.

Que se passe-il-dans l’utérus ? 

La muqueuse de l’utérus subit elle aussi des désagréments liés à ce chaos hormonal artificiel : naturellement, quand le cycle n’est pas perturbé par la pilule, pendant la première partie du cycle et à chaque cycle, les oestrogènes stimulent, dans l’utérus, la construction de nouvelles parois, toutes neuves, toutes propres, tandis que la progestérone arrive dans un deuxième temps, après l’ovulation, pour repeindre les murs et installer la déco. Comme, avec la pilule,  la chronologie naturelle est bouleversée par la présence constante de progestérone et la quasi absence des oestrogènes, les murs sont à peine bâtis, ce qui explique qu’à l’arrêt de la pilule, les saignements de privation (réaction de la muqueuse à la privation d’hormones) soient si légers, courts, faibles, indolores, voire quasi inexistants : il n’y a rien à éliminer puisque rien n’a été construit, la muqueuse utérine n’a pas grandi. Chez certaines femmes, on peut cependant assister à des spottings un peu tout le temps quand la pilule est trop peu dosée pour leur métabolisme. En effet, chaque femme va réagir différemment aux hormones de synthèse,  par exemple en fonction de son poids : les tissus adipeux abritent des stocks d’oestrogènes qui viennent au secours du cycle paralysé, ce qui explique que dans ce cas, une pilule plus dosée sera nécessaire pour les empêcher de se manifester. D’autres facteurs propres à chacune sont impliqués dans le fait de bien supporter, ou pas, la pilule : le métabolisme du foie, le taux de protéines sanguines qui fixent les hormones de synthèse, l’alimentation, le tabac, la prise d’autres médicaments, la régularité de la prise. Sous pilule, le col de l’utérus reste fermé ; la glaire cervicale, sous dépendance oestrogénique et bain de jouvence des spermatozoïdes, n’est  plus produite. 

Tomber enceinte sous pilule, c’est quand même possible

Quand la pilule est arrivée sur le marché dans les années 60, elle était deux fois plus dosée en oestrogènes que maintenant. Aujourd’hui, toutes les pilules sont des mini pilules contenant peu d’oestrogènes.  Pour certaines femmes, ce taux peut être insuffisant pour bloquer le cycle à 100% : dans ce cas, on peut quand même observer de la glaire, des saignements, même une ovulation, avec une possibilité de tomber enceinte. Cela signifie que la pilule en question n’est pas adaptée, les forces de vie, comme l’eau qui coule, empruntant toutes les fissures possibles pour atteindre leur but.  

Le blocage des processus naturels a d’autres effets dans le corps. On  s’en rend compte à la ménopause quand la chute des oestrogènes induit également la levée de protections spécifiques à la femme. Les capacités de reproduction ayant pris fin, la femme se retrouve fragilisée et retrouve le même statut que l’homme face aux différentes pathologies : risque cardio-vasculaire, thrombose, fragilisation osseuse, dessèchement de la peau et cancer du sein, dont les liens avec la pilule sont de plus en plus étudiés. C’est pourquoi, sous pilule, tous symptômes qu’ils soient physiques ou psychiques, doivent amener à consulter.

Après la pilule, le retour à la fertilité est très différent d’une femme à l’autre

Après l’arrêt de la pilule, la moitié des femmes retrouvent leur cycle naturel après un, deux ou trois mois. Les autres doivent parfois attendre un an, ou même plus. Parfois, le cycle s’est rallongé, la phase de maturation (le printemps) dure beaucoup plus longtemps, il faut plus de temps pour parvenir à maturer les follicules ;  parfois aussi l’ovule ne réussit pas à se former.  Et parfois, même longtemps après l’arrêt de la pilule, la progestérone s’essouffle trop vite pour aménager l’utérus comme il faut et empêche toute implantation.

La vie que tout être humain reçoit est programmée d’abord et principalement pour se perpétuer. La nature met toutes ses forces et son intelligence dans ce renouveau, et il n’est donc pas facile de ruser avec la reproduction. 

A chacun donc, et de préférence à deux,  de réfléchir à son propre projet de vie, et à envisager les différents moyens qui s’offrent pour gérer au mieux la fertilité, sachant qu’il n’y a aujourd’hui aucune panacée, aucun moyen idéal, mais plusieurs voies, qui peuvent différer au cours de la vie. Choisir le respect du corps et de l’environnement en est une, à ne pas négliger par paresse, par inconscience, par ignorance ou par peur. Elle est surtout une récompense, à vie.

Que se passe-t-il dans mon corps ? Dr Elisbeth Raith-Paula, Favre, 2012

Raïssa Blankoff, www.passeportsante.net