Cet article a été rédigé par Raïssa Blankoff, à partir des travaux Pr David Spiegel, Directeur du centre « stress et santé », Université de Stanford, Etats-Unis.

Depuis 40 ans, le Professeur Spiegel se consacre à la recherche en psycho-neuroendocrinologie. Il a pu établir des liens entre la maladie et le stress, et a mis en évidence, dans de nombreuses études, le déclenchement par le stress d’une cascade de réactions sur d’autres systèmes du corps : hormonal, nerveux, métabolique, immunitaire… Il a notamment étudié les types et les niveaux de stress auxquels sont confrontés les patients atteints de cancer.

Il n’y a pas un stress, mais des stress

Le cancer ne génère pas un stress mais des stress. A l’annonce de la maladie, comment faire face ? Comment vivre avec un terroriste en soi ? Comment relativiser l’angoisse de la mort qui touche environ 50% des patients, alors que 50% meurent finalement d’autres maladies ? Comment supporter les changements familiaux, vestimentaires, comment trouver une place différente dans le même monde, comment manger, comment dormir ? La fin des traitements est également génératrice de stress : que se passera-t-il au moment de l’arrêt d’une chimiothérapie ? Lorsqu’on n’est plus pris en charge quotidiennement par le staff médical ? Quel est le risque de récidive ? Que faire avec la peur de l’isolement ? Chaque stade est susceptible de générer un stress propre. Le Professeur Spiegel montre à quel point ces stress ont des effets directs sur la maladie, autant que les traitements chimiques, et pourquoi il est indispensable de prendre en charge l’individu dans son ensemble et pas uniquement sa maladie, pour obtenir des résultats optimisés.

Les mécanismes d’action du stress sur la maladie

Le cortisol, hormone du stress, directement impliqué dans l’évolution de la maladie.

Le stress a des effets immédiats sur le système endocrinien : en phase de stress, le cortisol augmente et entraîne avec lui une élévation du niveau de glucose dans le sang. En cas de stress chronique ou de burnout, le cortisol reste élevé, il ne baisse plus, ce qui est tout à fait délétère pour l’organisme. Le stress n’est pas mauvais en soi, le nier, l’éviter n’est pas recommandé, mais il faut être capable de le moduler. En principe, le cortisol est élevé le matin et doit baisser au cours de la journée. Le Professeur Spiegel a découvert que les femmes présentant un cancer du sein en même temps qu’un niveau de stress élevé en journée vivaient moins longtemps que celles ayant des taux de cortisol normaux. Il a également découvert que, dans la dépression, on trouve un taux de cortisol élevé tout le temps, et qu’une dépression de plus d’un an augmente le risque de mortalité. A contrario, dans un état de stress post-traumatique, le cortisol reste bas toute la journée, ce qui est également délétère.

Le cortisol est fait pour fluctuer, c’est une hormone adaptative qui nous permet de faire face aux difficultés de la vie, cependant son usage chronique a des conséquences néfastes sur la santé. Les travaux du Professeur Spiegel ont montré que le stress a un effet majeur sur la courbe de la maladie, et qu’il est aussi important de trouver de nouvelles molécules toujours plus efficaces que d’aider les patients à moduler leur stress. Il a établi le lien entre le cortisol  et les taux bas de Natural Killers, ces soldats immunitaires si importants dans la lutte contre le cancer, et donc le lien entre un taux de cortisol qui ne varie pas pendant la journée  (ce qui est le cas dans un burnout par exemple) et le risque augmenté de mortalité. 

Le stress agresse jusqu’au gêne lui-même

On sait depuis peu, grâce aux récentes découvertes du Prix Nobel, que le télomère, extrémité du chromosome, se raccourcit avec l’âge. La longueur du télomère et le vieillissement sont directement liés. Le Professeur Spiegel a pu démontrer que la longueur du télomère est également corrélée au taux d’anxiété et de stress. Récemment, il a pu montrer qu’une altération de la protéine P53 par le stress affectait l’élimination des cellules immortelles responsables de cancers.

Le sommeil, modulé par le cortisol, outil majeur de récupération du système immunitaire

50% des patients atteints de cancer souffre d’insomnies. Pourtant, un bon sommeil est un élément capital dans la prévention du cancer et dans sa thérapeutique. Le Professeur Spiegel a établi des liens entre une production perturbée de cortisol et les troubles du sommeil, ainsi qu’entre les troubles du sommeil et les risques de la maladie. Ce sont les déséquilibres du système nerveux, de ses fonctions sympathique (la mobilisation) et parasympathique (la récupération) qui affectent le métabolisme, l’immunité ou le système cardio-vasculaire. Aucun domaine du corps n’y échappe, puisqu’ils sont tous sous dépendance du système nerveux.  

Les outils de gestion du stress

« L’imagination est une qualité qui a été donnée à l’homme pour compenser ce qu’il n’est pas. Le sens de l’humour lui a été donné pour le consoler de ce qu’il est. » Oscar Wilde

Le Professeur Spiegel a répertorié les meilleurs outils de lutte contre le stress lié à la maladie :

  • Bien dormir la nuit et être actif dans la journée, respecter les rythmes circadiens ;
  • Pratique une activité physique quotidienne ;
  • Exprimer ses émotions, les accepter, les faire accepter ;
  • Ne pas s’isoler et bénéficier d’un soutien social ;
  • Apprendre à communiquer avec le corps médical ;
  • Utiliser les possibilités thérapeutiques existantes : antidépresseurs, stimulation transcranienne, psychothérapies, le cas échéant en association ;
  • Participer à des groupes de soutien ;
  • Cultiver les liens d’amitié ;
  • Exprimer ses besoins, connaître ses priorités ;
  • Préciser son mal être : passer de l’anxiété à la peur, de la dépression à la tristesse, préciser, c’est faciliter la guérison ;
  • Se faire soutenir par sa famille ou la faire soutenir le cas échéant (les personnes mariées ont un taux de survie supérieur) ;
  • Faire usage de l’autohypnose, qui agit par focalisation de la concentration. Il s’agit en réalité de la plus vielle technique psychothérapeutique en Occident : il a été prouvé que l’on peut changer la perception, la sensation et la réponse du cerveau à la douleur par exemple, notamment par la capacité à modifier la réaction anticipatoire, ce qui a pour résultat une diminution quantifiable de la prise des médicaments ou de l’anxiété. La Pleine Conscience (Mindfullness) est également un programme intéressant ; sa pratique aide à accepter ce qui se passe sans juger, mobilise nos énergies dans le présent (Pleine présence) ce qui diminue l’anxiété, avec une cascade de réactions positives sur le plan neuroendocrinien.
Raïssa Blankoff 

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