Il devrait être de notoriété publique que le soutien et l’accompagnement des malades améliorent leur qualité de vie mais également leur survie. Une première étude, confirmée par d’autres, montre le doublement de la survie des patients atteints de cancer lorsqu’ils bénéficient, en plus d’une prise en charge médicale classique, d’un groupe de soutien expression. C’est donc en convaincu que le Dr Jean-Loup Mouysset, oncologue médical, travaille depuis des années dans ce sens : il a créé l’association Ressource, organisé des symposiums* et est sur le point de fonder un centre à Aix-en-Provence, avec comme objectif l’accompagnement et l’éducation thérapeutiques des patients. Ce projet vise à soutenir les malades face aux conséquences psychosociales du cancer : peurs, douleurs, prise de conscience de la mort, bouleversements familiaux et professionnels, capacité physique réduite, effets secondaires des traitements, décisions multiples et choix des traitements.
Le Dr Mouysset a fait sa médecine à Marseille, mais depuis la 6ème, il est taraudé par l’idée d’être utile. Aider donne un sens à sa vie. En 1995, il accomplit son service militaire à la Martinique, déjà curieux d’autres approches curatives. Il boucle ensuite un DEA en biosciences de l’Environnement et Santé et une thèse intitulés « Nouvelles approches de l’accompagnement thérapeutique ». Interne à l’hôpital de la Timone à Marseille, le Dr Mouysset s’intéresse aux médecines complémentaires, comme l’aromathérapie, l’hypnose, la relaxation et à leur place et intérêt dans la prise en charge des malades atteints de cancer. Puis, il se rend aux Etats-Unis, à Stanford University, auprès du Pr David Spiegel, spécialiste de psychothérapie existentielle et de thérapie comportementale. Jean-Loup Mouysset y travaille profondément sur quatre grands sentiments qui entourent toute maladie grave : le sentiment de la finitude, de la solitude, de l’impuissance, de la culpabilité. Il assiste aussi à la création, déterminante pour son projet aixois, du Centre de Soins de Médecine Complémentaire dirigé par Spiegel à l’Université de Stanford. Il y retournera en 2008 pour constater l’évolution favorable du centre.
Pourquoi le cancer ?
Quand on interroge le Dr Mouysset sur le choix de sa spécialité, il s’anime encore davantage : « parce que la demande y est particulière, forte, sincère, on ne peut plus tricher avec soi-même, c’est une médecine qui est technique et en même temps, elle repose fondamentalement sur l’écoute et la capacité d’ouverture du médecin, son pouvoir est plus restreint. J’invite le patient à participer à sa guérison. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il s’agit d’une médecine très générale, elle touche tous les organes, les symptômes sont très divers. Elle demande une prise en charge globale de la fatigue — très intéressante à analyser — des douleurs diffuses, des maux de tête, de l’irritabilité, de l’hypersensibilité aux médicaments, de l’augmentation du stress oxydatif lié aux chimios et radiothérapies, des complications hormonales ou toxicologiques… Je cherche à désamorcer, voire inverser, le cercle vicieux du découragement : je me stresse, donc je m’affaiblis, donc je me stresse encore plus. Le cancer est d’étiologie multifactorielle, et donc les traitements doivent également être de plusieurs ordres et agir sur plusieurs plans. Le cancer, ce n’est pas juste une accumulation de cellules cancéreuses, il se déclenche sur un terrain, un terreau propice. Il n’y a pas une cause pour un cancer. Ce qui le déclenche, c’est un ensemble de facteurs affaiblissants, qui peuvent être psychologiques, environnementaux, génétiques etc… On sait aujourd’hui, par exemple, que la pollution de l’eau peut entraîner des perturbations endocriniennes, c’est un facteur qui se surajoute. Le cancer est causé par une addition : nutrition, épigénétique, tabac, traitement hormonal substitutif… Je considère le cancer comme une maladie de la communication : cellulaire, physiologique, émotionnelle.
Cela fait maintenant 17 ans que le Dr Mouysset reçoit des patients, en clinique et en cabinet. Ce médecin de 40 ans au visage très jeune, conscient de ses responsabilités, continue à nourrir l’enthousiasme de sa prime jeunesse. Quand il se souvient des malades qu’il a vu souffrir ou mourir, son regard s’assombrit un instant, mais quand il évoque ceux qu’il a vu revivre, survivre, reprendre espoir, s’améliorer pas à pas, grâce à une prise en charge psychologique de qualité, grâce à des ostéopathes qualifiés, grâce à des séances de relaxation qui apaisent les douleurs, grâce à des esthéticiennes attentives, on comprend mieux les motivations qui le gouvernent.
L’association Ressource vient en aide aux patients
L’association Ressource naît à Aix-en-Provence en 2001, avec l’aide de patients et de bénévoles, sous la direction de Jean-Loup Mouysset. Après 3 ans de mûre réflexion entre médecins, infirmières, psychologues, esthéticiennes, l’association initie des groupes de soutien, ainsi que des interventions en esthétique et des consultations psychologiques destinées aux patients et à leur entourage. En 2007, lors d’une Assemblée Générale, les patients demandent à se prendre en charge eux-mêmes dans la prévention des récidives et dans la réduction des effets secondaires thérapeutiques. L’association, de plus en plus active et de plus en plus sollicitée, décide de créer à Aix-en-Provence un Centre d’Accompagnement thérapeutique pour personnes atteintes de cancer fin 2009-début 2010. Une structure devrait être construite sur le terrain légué par la nouvelle Polyclinique du Parc Rambot, avec une possibilité d’offre de soins de court séjour pour les patients qui viennent de loin (avec hébergement). Ce centre est destiné à être un lieu de soutien et de connaissance, permettant aux patients de prendre une part active à la démarche thérapeutique. En attendant, l’Association mobilise ses énergies pour étendre son action.
Aujourd’hui, Ressource, forte de ses 800 adhérents, patients, anciens patients, professionnels et bénévoles, propose à Aix un vaste éventail de soutien psychosocial, de soutien de confort, de gestion du stress et de diffusion d’informations. L’ensemble des soins est gratuit. Les ateliers sont les suivants : groupe de soutien expression ou entretiens individuels ; sophrologie individuelle et en groupe ; fasciathérapie ; ostéopathie ; réflexologie plantaire ; massages relaxants ; shiatsu ; écriture-thérapie ; atelier de lecture ; harmonie par le chant ; énergétique chinoise ; yoga ; qi gong ; gymnastique sensorielle ; psycho nutrition et ateliers de cuisine ; onco-esthétique et amélioration de l’image corporelle ; pharmacie solidaire en micronutrition.
Il est également possible de consulter une assistante sociale ou un médecin du travail.
Des sorties sont organisées : thalasso, week-ends dans une ferme biologique avec alimentation biologique, randonnées faciles, massages…
Soline, autrefois patiente, devient bénévole à Ressource
Soline, 43 ans, assistante sociale, a été atteinte d’un cancer du sein en 2006. Elle a pu bénéficier des soins de l’Association pendant sa chimiothérapie et après. « La sophrologie, j’en avais fait déjà un peu lors de mes accouchements mais sans plus. Cet atelier-là m’a clairement aidé à prendre du recul et à cheminer par rapport à ma maladie. Après chaque séance, je me sentais mieux, ça permet de faire le point sur soi, sur sa vie, sur la façon dont on se positionne, ce n’est pas que de la relaxation. On apprend à s’auto masser et à se masser mutuellement. Ça soulage quand on a mal après une chimiothérapie, par exemple. En début de séance, on peut parler de sa semaine, raconter ». Soline a également fait partie d’un groupe de soutien pendant 2 ans. « Une fois par semaine, être entourée de personnes qui traversent ou ont traversé ce type d’épreuves, est vraiment encourageant. Même si on n’entend pas que des bonnes nouvelles… J’ai aussi bien aimé la réflexologie plantaire, le fait qu’on s’occupe de mon corps, l’écoute est particulièrement bienveillante, on est cocooné, l’expression et la réception sont différentes quand on est « entre nous ». Aujourd’hui Soline, guérie, met ses compétences au service des autres. Deux fois par mois, elle reçoit bénévolement en tant qu’assistante sociale. « Le fait d’être passé par là me donne une autre écoute, les gens se sentent dépassés et il leur manque l’énergie pour entamer les démarches nécessaires, et puis ils sont besoin à chaque fois de raconter leur vie, je les écoute, je les comprends. Je n’imagine pas la traversée de la maladie sans Ressource, l’association est très souple , respectueuse et gratuite. J’ai pu dédramatiser, je me suis sentie soutenue, même si j’avais la chance de pouvoir compter sur ma famille et mes amis, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Cette solidarité, on ne l’oublie pas. Et peut-être que ça va plus dans le sens de ce qu’on attend quand on est malade. »
La preuve par la science
L’éminent psychiatre américain qu’est le Dr Spiegel avait démontré dans une étude randomisée en 1989 un doublement du temps de survie chez des patientes atteintes d’un cancer du sein métastasique, et une meilleure qualité de vie (Lancet, 1989). Il comparait la prise en charge médicale classique du cancer à celle qui prévoyait, en plus, des groupes de soutien expression. Les résultats de cette étude ont été confirmés en 2007 et 2008 (Revue Cancer). Sept autres études ont récemment encore prouvé l’impact positif de ces groupes sur la qualité de vie et sur la survie des malades, appuyées par les recherches en Psycho Neuro Endocrino Immunologie entamées au début des années 80.
« À l’époque, explique le Dr Mouysset, on pensait que la prise en charge psychosociale et de bien-être ne changeait rien à l’état du malade. On pensait aussi que c’était le culpabiliser que de lui faire croire qu’il pouvait être pour quelque chose dans sa maladie ou dans sa guérison, qu’il avait le pouvoir de changer lui-même le cours des choses. Ensuite, certaines personnes ont compris qu’il ne s’agissait pas de changer quelque chose, qu’il s’agissait de se confronter à la maladie, de ne plus seulement la déléguer aux spécialistes. »
Il a été clairement établi que les femmes atteintes de cancer du sein et bénéficiant pendant un an d’aide en gestion du stress — conseils nutritionnels, activités physiques adaptées et groupes d’expression — connaissent des améliorations substantielles en termes de bilan biologique. Elles se trouvent moins déprimées, moins stressées, avec une meilleure immunité et une meilleure compliance aux traitements (Etude de B. Andersen, Cancer dec 2008).
Autre exemple : des études récentes montrent que les enfants adoptés à la naissance présentent autant de risque de cancer que leurs parents adoptifs et non biologiques, ce qui montre que les habitudes et les conditions de vie jouent un rôle majeur.
Aujourd’hui, les statistiques nationales répertorient plus de 50.000 cancers du sein par an, avec 20% de récidive, et 10.000 récidives avec risque de décès. Avec l’accompagnement thérapeutique, les taux sont divisés par deux. « 5000 patientes seraient sauvées chaque année, c’est l’équivalent du nombre de morts sur la route !!!. 400 personnes meurent chaque jour du cancer en France — première cause de mortalité — et 20 personnes sur la route !, 5 du SIDA !, alors qu’est-ce qu’on attend ? » s’exclame le Dr Mouysset. « Le pire, conclut-il, c’est le fatalisme, c’est le sentiment d’impuissance, que le cancer est un crabe isolé qui se referme sur lui-même. »
Raïssa Blankoff
Ressource, centre d’accompagnement thérapeutique ouvert du lundi au vendredi de 9H à 12H et de 14H à 16H tél. : 04 42 22 54 81 Tour D’Aygosi Bât. A3 – 67, cours Gambetta, 13100 Aix-en-Provence
contact@association-ressouce.org
L’association Ressource épaule des patients à la clinique Rambot-Provençale et à la clinique Saint-Christophe à Aix-en-Provence.
*Deux symposiums intitulés « Un autre regard sur le cancer » se sont tenus à Aix-en-Provence, le premier a accueilli 1400 personnes, dont 400 professionnels de santé (et a refusé des centaines de participants, faute de place). Un DVD reprenant la totalité des interventions est disponible au siège de l’association. Une deuxième édition s’est tenue en avril 2009, avec un panel d’experts nationaux et internationaux (dont les Dr Servan Schreiber, Dr Castronovo, Dr Beliveau, Anne Ancelin-Sützenberger). Leurs interventions ont porté notamment sur le rôle de l’environnement et de l’alimentation dans l’apparition et le développement du cancer, sur l’eau de boisson, la fatigue chronique, l’hypersensibilité chimique multiple (MCS), la prise d’antioxydants et de vitamines, le rôle du moral dans la maladie.